Regards sur les hérésies
L’hérésie est la transcription du grec hairesis, qui va désigner l’adhésion à un ensemble de croyances : ce terme à l’origine n’a aucun sens péjoratif. Or c’est Justin Martyr, un des premiers auteurs chrétiens, qui, en utilisant ce terme, en a changé totalement le sens. Il a conservé la notion de courant de pensées ; mais les dogmes défendus par ses adversaires sont considérés par Justin comme des erreurs, des mensonges. Ceux qui défendent ces dogmes erronés ne peuvent être inspirés que par le démon. Se met en place un système de définitions et d’exclusions mettant à l’écart les individus qui menacent le dépôt de la vérité. Le Contre les hérésies d’Irénée de Lyon est le premier livre qui systématiquement répartit les adversaires doctrinaux en courants hérétiques différents. Les ennemis les plus importants pour lui sont les gnostiques, chrétiens qui ne se considéraient pas comme étrangers à l’Église ; ils donnaient un sens plus ésotérique, plus mystique aux rites, au moment où le christianisme essayait de se constituer en Église, commençait à se doter de pouvoirs, d’institutions, de normes, et souhaitait se mettre à la portée de tous. Ce qui gênait le plus les chrétiens de la Grande Église était une forme d’élitisme de ce courant qui s’efforçait de donner une interprétation plus profonde, souvent allégorique, des textes de l’Écriture. Notre vision a été très longtemps faussée par le fait que nous n’avions accès aux textes dits gnostiques qu’à travers la réfutation de leurs adversaires. Or, dans les années 1940, on a découvert à Nag Hammadi des textes coptes qui nous ont donné à lire les textes originaux...