Un regard scientifique sur les monothéismes depuis les origines jusqu’à l’époque moderne


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Le dévouement

by claire - published on , updated on

Au livre V de la Cité de Dieu, saint Augustin oppose les martyrs chrétiens – qui rejoindront la Cité éternelle – aux vertueux romains qui « ont pour l’intérêt commun, pour enrichir la République, sacrifié leur patrimoine et triomphé de l’avarice ». Les actions des Brutus, Scaevola ou Decius célébrées par Cicéron et Tite-Live sont ainsi l’occasion de distinguer à partir d’une même racine, comme l’ont rappelé Jacques Le Brun et Louis Châtellier, la dévotion religieuse tournée vers la Cité céleste et le dévouement civique destiné à la République.

L’EXEMPLE DES MARTYRS ET DES HÉROS CIVIQUES

La cause des martyrs et celle des héros civiques ne cessent plus, dès lors, de s’entrelacer et de s’opposer, chez saint Thomas, qui leur consacre de longs développements, mais aussi sous la plume d’historiens, de philosophes, de moralistes comme Salutati, Bruni, Valla, Bénedicte Pictet, Boulanger, Montesquieu, et plus tard encore Barni, Cousin ou Vacherot. Dès le retour de la référence républicaine en Occident au Moyen Âge, l’exemple des dévoués constitue un lieu commun de la pensée politique à partir duquel appeler au don de soi à la Cité, à la vertu et à l’austérité nécessaires au gouvernement libre, au renoncement aux intérêts particuliers et à la supériorité de la loi sur les liens familiaux.

TOUT SACRIFIER AU NOM DE L’INTÉRÊT GENERAL

Servir la République, c’est précisément refuser de s’en servir, accepter de sacrifier ses biens, ses intérêts, sa famille pour le bien de tous et l’intérêt général. Les dévoués romains se retrouvent du coup dans les grands textes de philo­sophie politique, les histoires de Rome et les arts, notamment dans le contexte de l’humanisme civique, au cours des Lumières et de la Révolution, par exemple dans le tableau célèbre de David sur Brutus, et tout au long du XIXe siècle. Les héros romains sont devenus un modèle politique et un récit offert aux élèves des écoles de la République, un terrain sur lequel penser la Cité terrestre et ses liens avec la Cité Céleste et une manière d’imaginer une morale républicaine spécifique à la fois proche et éloignée de la morale religieuse. Le dévouement paraît donc inviter à des approches croisées entre histoire, philosophie, philologie, théologie : c’est ce que ce projet entend proposer.